Pâques 2018 - Devenir "Mordomo"

C’est l’histoire d’une tradition très ancienne et qui perdure aujourd’hui encore dans les villages de la région du « Minho » au nord du Portugal. Mes parents ont eu l’honneur d’être choisis pour représenter cette magnifique Fête de Pâques dont les préparatifs ont débuté en janvier.

Cependant, l’initiation à cette tradition débute l’année avant celle où vous êtes sensés être « mordomo » (majordomes). En 2017, mes parents ont accompagnés les « mordomos » pendant la Fête de Pâques où ils ont du distribuer des bonbons à toutes les maisons du village. Ce rituel sert à apprendre les coutumes qui faudra respecter l’année suivante.

Cette année, mon père a donc été décoré de « mordomo » lors de la Fête des Rois en janvier.

Chaque année, deux « mordomos » ont ainsi la responsabilité d’organiser la Fête de Pâques qui se déroule généralement an avril. Cette fête est constituée de différentes étapes :

Le jour des Rois en janvier, les « mordomos » sont officiellement présentés au village pendant une messe.
Un arc doit être officiellement construit et décoré devant la maison de chaque « mordomo ». Chaque « mordomo » construit donc son propre arc.
Pâques se fête sur deux jours (dimanche et lundi de Pâques) et les « mordomos » devront porter la croix à pied auprès de chaque maison du village qui veut bien la recevoir. Les « mordomos » marchent donc ainsi du matin au soir à travers le village pendant deux jours.
Chaque « mordomo » organise un banquet où amis, voisins et membre de la famille sont invités afin de célébrer Pâques (en moyenne 200 invités)

Après avoir été officiellement présentés au village, mes parents ont donc dû organiser la construction de l’arc. À partir de la Fête des Rois (janvier), chaque vendredi, amis et voisins, se retrouvent chez mes parents pour confectionner à la main tous les éléments de décoration qui devront être accrochés à l’arc.

Un travail minutieux et soucieux du moindre détail. Un arc est une construction en bois, généralement de l’eucalyptus, et peut atteindre plus de 20 mètres de haut pour 4 m de large. Mon père, accompagné d’amis et voisins a dû ainsi abattre plus de 15 eucalyptus sur un terrain qui appartenait à son père.

Une fois abattu, la base de l’arc est construit en une journée avec l’aide de toute la communauté solidaire qui se renforce au fil des weekends.

À mi parcours, fin février, les éléments commencent à prendre forme et la base de l’arc est terminée. Le dernier mois sera dédié à la finalisation des décorations et à l’organisation du banquet pour lequel il a fallu monter un chapiteau afin d’accueillir plus de 200 personnes.

Le moment tant attendu de lever l’arc est toujours rempli d’angoisse car la crainte que ce dernier ne tiennent pas réside dans la tête de chacun. C’est avec beaucoup d’émotion et de fierté que l’arc est admiré, une fois érigée devant la maison du « mordomo ». Celui de mon père fait 22 mètres de haut pour 4 mètres de large. Décoré de vert, blanc et jaune, il restera debout jusqu’à la prochaine Fête des Rois où le prochain « mordomo » prendra la relève.

Le lendemain, le départ est donné pour 2 jours de marche à travers le village où la croix viendra bénir les maisons et les familles qui décideront de l’accueillir. Une marche longue, éprouvante, mais au combien enrichissante. Des rencontres, des gestes de bienveillance, une solidarité et une fraternité merveilleuse fondées sur la simple envie de partager des moments ensemble.

Fier de mes parents pour le travail accompli, j’ai eu le plaisir de pouvoir accompagner toutes les étapes importantes pendant ces 5 mois et je dois avouer avoir été contaminé par cette solidarité sans intérêt, par ces personnes aux grands coeur qui spontanément viennent aider sans rien attendre en retour. Une expérience unique, enrichissante sur le plan humain et qui remet à plat les valeurs simples de la vie.

Cette tradition est vieille de plus de 100 ans et chaque année les « mordomos » sont fièrs de pouvoir être choisis pour représenter leur appartenance à cette communauté.